N'ayant aucun autre choix que d'improviser, le résultat final ne s'est révélé qu'au moment où j'ai performé. Mon travail se situait donc dans le domaine de la musique aléatoire. J’ai d’abord utilisé les touches du clavier, appuyé sur les pédales autant avec mes pieds que mes mains. Le piano utilisé pour cette performance est un vieux piano droit désaccordé. A cause de son âge, du manque d’entretien, le fait qu’il ait été conservé dans un endroit aux conditions inappropriées pour un piano, ses cordes sont rouillées, les pédales sont grinçantes et non-opérationnelles. Une partie de sa structure en bois était endommagée, j’ai pu avoir accès aux cordes et les manipuler directement du bout des doigts. On ne s’attend pas toujours au résultat sonore lorsqu’on presse une touche, ce qui en ressort est à chaque fois nouveau, inespéré, ce qui accentue le côté aléatoire du résultat. On pourrait considérer cela comme un “éveil musical public”. L’éveil musical, est définie comme la ou les activités qui ont pour objectif d’éveiller et de donner l’envie, aux jeunes enfants ou élèves débutants, de comprendre et d’apprendre la musique. Il s’agit d’une étape importante par laquelle doit passer le débutant. Bien qu’elle soit présentée sous forme de jeux, elle est inévitablement douloureuse car elle lui fait prendre conscience de son statut de novice dont il voudra rapidement se débarrasser. Ce moment se déroule toujours dans l’intimité du cours et n’est jamais rendu public. L’image du musicien en plein concert est forcément associée à de la musique harmonieuse. Ce que j’ai donné à écouter au public allait donc à l’encontre de cette image idéalisée.